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Ma vie ? Dix-neuf années d'inutilité orgasmiques. J'ai toujours senti que j'étais pas faite pour ma famille, pour cette ville, pour ce monde. Ca a commencé quand j'étais toute petite, en fait. J'suis née à Leavesden, en Angleterre. Je suis sûre que vous connaissez. C'est là-bas qu'ils ont tourné les films de votre enfance, les Harry Potter, vous voyez ? Enfin bref. J'suis restée dans cette ville les huit premières années de ma vie. Je me sentais déjà un peu... comment dire ? Exclue. Différente. Comme si personne ne comprenait que j'aurais préféré une vie bien moins chiante. J'ai toujours rêvé d'une épopée, d'une aventure, de quelque chose qui me sortirait de mon quotidien banale. J'ai toujours été aventurière et ennuyée par la routine. Quand j'étais gamine, on me demandait de faire des dessins. Vous savez, quand en maternelle ou en primaire, on vous dit de dessiner votre famille et votre maison ? Avec le chien, le chat, le poisson rouge et la mère-grand ? Bah moi, j'me dessinais collée à un bout de la feuille, loin de papa-maman et de notre baraque adorée.

J'avais environs huit ans quand mon père fut muté aux states. Je n'ai pas compris ce qui s'est passé, je me suis juste retrouvée dans un avion qui s'envolait loin de la pluie pour rejoindre la chaleur de Lemonsfield, une ville totalement inconnue. Il a fallu s'adapter. Déjà que j'avais peu de potes en Angleterre, autant vous dire que l'intégration fut plutôt dure. J'ai jamais été très amicale. Les premières semaines, les autres enfants du cours élémentaire me regardaient comme une bête de foire. Moi ? Je jetais des regards noirs à quiconque osait jeter un oeil sur moi, style "n'approchez pas, je mords". Quand je vous disais que j'étais pas très sociable, c'était un euphémisme en fait. J'étais VRAIMENT pas sociable. Rassurez-vous, j'ai un peu changé après. Tout ça pour dire que le déménagement fut plutôt dur. Et au collège, j'ai bien du apprendre à devenir sociable. Avec mon caractère de merdeuse, c'est tout de suite les merdeuses qui sont devenues mes amies. Vous savez, ces amies que vous cachez à vos parents, qui fument derrière le bahut et s'attirent des ennuis ? On s'est tout de suite bien entendues. Surtout avec l'une d'elles, avec qui je faisais les quatre cent coups. Avec elle, j'ai fumé ma première clope à l'âge de 14 ans et j'ai connu ma première gueule de bois. La belle époque.

Plus je grandissais, plus ma vie devenait un foutoir. Au lycée, ce fut le début des drogues et du fatal grand amour. C'était un de ces mauvais garçons dont on tombe si facilement amoureuse. Il était complètement foutu en l'air. High en cours, il nous faisait rire. Et c'est limite s'il n'aurait pas proposé une cigarette aux pions. Ce mec était taré, et j'ai succombé à sa folie. Il a réussi à me transporter, à m’entraîner dans sa spirale, son trou noir. Avec lui, j'ai connu le meilleur et le pire. Je suis devenue une épave, mais une épave amoureuse. Il était le cancer, ma gangrène, et j'm'en foutais, parce que j'l'aimais à en crever. Ouais, à en crever. Et un jour, le j'ai fait une overdose. Et il n'a rien foutu. J'aurais pu mourir... et lui n'avait rien foutu. A cause de cet incident, j'ai décidé de me calmer sur les drogues, l'alcool et tout ça. Cette abstinence a duré trois mois. Et lorsque j'ai décidé de m'y remettre, je me suis dirigée vers son appartement pour lui annoncer la bonne nouvelle. J'ai ouvert la porte et je l'ai vu sur le canapé avec une autre fille. Et pour ne pas entrer dans les détails, ils ne jouaient pas au Scrabble. C'aurait été impossible, en même temps, ce type perdait même au ni oui ni non. Pour moi, c'était mon premier et mon dernier coeur brisé. J'ai décidé de me passer de ce foutu Cupidon empoisonneur de vie. C'était mieux ainsi après tout.

Et puis, j'ai appris à grandir. Mes dix-huit ans sont vite arrivés et, pour bien faire, j'ai décidé de me barrer de chez moi et de laisser mes parents en paix. S'ils surent jamais à quel point j'étais une mauvaise fille ? Jamais je ne saurais. Ils vivent à quelques rues de chez moi et l'envie de les voir ne me prend pas souvent, pour ne pas dire jamais. J'ai du me trouver un boulot, pourri bien sûr, parce que j'ai vite abandonné les études. Ca, par contre, ça a déplu à mes parents, qui m'ont offert des cours à l'université. Pouah. J'y vais de temps en temps mais... franchement, qui aime aller en cours ? Ma vie, je la vis à fond la nuit. Je danse un tango mortel avec la vie, ajoutant des épices à ma recette du bonheur. J'ai jamais cessé les drogues, après tout. Ma vie n'avait aucun sens et ça m'était bien égal. Du moins jusqu'à l'ouragan. Et là, bam, ça m'est tombé dessus, changeant ma vie à tout jamais. Détruite. Foutue en l'air. J'ai eu l'impression de revenir en enfance, quand j'avais l'impression que personne ne me comprenait. Oui. Personne ne comprenait ma peine, ma douleur, ma souffrance. Un étage d'immeuble complet m'est tombé en pleine figure. J'ai cru mourir sous les décombres, étouffant dans ces ruines. J'ai cru en perdre la raison. C'était l'expérience la plus traumatisante de ma vie. C'était tout simplement horrible. Des pompiers sont venus me chercher au bout de 13h de calvaire. J'étais évanouie. J'ai mis trois jours pour émerger et depuis je ne cesse de tout remettre en question. Le moindre détail de ma vie fait l'objet d'enquêtes dans ma tête. J'reste de plus en plus seule et tout perd son sens. C'est la merde, je le sais. Mais j'arrive pas à empêcher ça. Ma vie se détruit peu à peu... J'y peux rien.